Tout le monde parle du 9 février
en Suisse. Qu’est-ce qui va se passer s’ils adoptent l’initiative de l’UDC,
quelles seront les conséquences pour la Suisse ? Je ne suis ni politicienne, ni
économiste, mais j’ai vécu l’expérience de la limitation des permis et de
l’introduction des contingents dès le début, et je me pose la question un peu
autrement: qu’est-ce qui va se passer avec la Suisse , et qu’est-ce qui va se passer avec nous,
les étrangers?
Living like Harry Potter
Je suis étrangère. Hongroise. Depuis
plus de deux ans, je vis et travaille en Suisse. Je loue un petit studio dans une grande maison de trois étages. Mon studio est au sous-sol, tout petit, mais je l'aime bien. Quand ma famille est venue me visiter pour la première fois, mon frère m'a dit en voyant la petite pièce:
"Mais, tu vis sous les escaliers comme Harry Potter!"
Tant pis, j'aime bien être Harry Potter en Suisse. Je suis tombée amoureuse de ce
pays, j’aimerais pouvoir rester. J’adore écrire, et j’ai eu l’idée de raconter
mes expériences sur un blog, et aussi d’essayer de faire voir la Suisse un peu à travers les
yeux d’une étrangère. J’ai rassemblé tout mon courage, j’ai envoyé mon blog à
24heures, et j’ai eu l’énorme chance de pouvoir commencer à écrire sur leur
site! Cette possibilité est très précieuse pour moi! Alors me voilà devant mon
ordi, racontant tout d’abord, pourquoi suis-je ici, comment suis-je venue?
Where do you see yourself five
years from now?
Here. J’aimerais reconstruire ma
vie ici, en Suisse. Je m’appelle Nóra, j’ai 27 ans, et comme je l’ai dit, je suis
d’origine hongroise. Je viens de Barcs, une petite ville de 12000 habitants au
Sud-Ouest de la Hongrie. J ’ai
fait l’université en Hongrie, je suis professeur de français, je travaillais
dans deux écoles de langues à côté de mes études. J’ai un frère qui a 29 ans,
il s’appelle Gábor, il est très important pour moi, on a une relation très
forte depuis notre enfance. Ma mère s’appelle aussi Nóra, mon père s’appelle
Béla, ils travaillent les deux à la mairie à Barcs. Mon frère habite et
travaille à Budapest, là où je vivais et travaillais avant. C’est les trois
personnes dans ma vie pour qui je serais prête à tout faire.
J’ai fini mes études en juin
2011, j’ai un Master en langue et en littérature française avec une formation
de professeur de français. J’aimais beaucoup enseigner, mais j’avais toujours
le plan de partir à l’étranger après avoir fini mes études. J’adorais l’idée de
pouvoir vivre dans un pays francophone et d’être obligée d’utiliser la langue
française tous les jours, tout le temps. Ma première passion est l’écriture, la
deuxième est la langue française. Voilà comment je suis arrivée en Suisse, à
Orbe, le 24 août 2011, chez la famille Wagnière. Pendant une année, j’étais
aupair, je gardais deux filles de 4 et de 7 ans. Je les adorais. Cette année m’a
beaucoup apporté et la Suisse
est devenue très précieuse pour moi. Je me suis rendue compte de deux choses:
je voulais rester, mais en même temps je savais que ce serait super difficile
de trouver ma place ici. Pourtant, je me suis dit: "Aki mer az nyer. "
C’est en hongrois. En français cela veut dire: qui ne risque rien n’a rien.
Comment s’établir en Suisse? Back to 2012
Alors qu’est-ce qui se passe
après la décision de vouloir rester, comment s’établir en Suisse? Je peux dire que
ce n’est pas si facile que ça, mais ça vaut absolument la peine et il ne faut
jamais abandonner! A l’époque, je me renseignais sans arrêt. Petit à petit, je me
suis rendue compte du système du pays, et de mes possibilités. Déjà, pour
que tout le monde le sache, je trouve que la Suisse est un pays très sévère (l’une des raisons
pour laquelle je l’adore). Les gens qui viennent des pays de l’Union Européenne
bénéficient en principe de la libre circulation des personne, ce qui veut dire
qu’ils peuvent rester en Suisse pendant 3 mois avec le but de chercher un emploi.
Par contre, si on veut s’installer en Suisse pour plus longtemps, on doit être
au bénéfice d’un permis.
Wish I had a B…
Alors, j’ai continué à me
renseigner afin de connaître les principaux permis en Suisse. J’ai commencé à travailler comme
aupair avec un permis L.
Permis de courte durée. Ce permis
est valable au maximum pour 12 mois, et est destiné aux personnes qui ont un
contrat à durée déterminée ne dépassant pas une année. Alors, quand j’ai
commencé à travailler en Suisse, j’avais ce permis. Il faut savoir qu’avec ce
permis les changements de lieu de travail et de domicile ne sont pas autorisés.
En ce qui concerne mon cas, après
avoir décidé de vouloir rester en Suisse pour longtemps, et aussi pour mon
projet (m’installer dans le pays, reprendre des études etc.) j’aurais eu besoin
d’un autre type de permis, notamment le:
Permis B
Permis de séjour. Ce permis est
destiné aux personnes qui ont un contrat à durée indéterminée ou à déterminée
de plus de 12 mois. Le permis B est valable pendant 5 ans et il est
renouvelable pour 5 autres années. En plus, avec ce permis on peut librement
changer de travail ou de domicile.
J’ai fait beaucoup de recherches,
et j’ai trouvé enfin du travail, on m’a proposé un contrat à durée
indéterminée, alors j’ai décidé de demander le permis B. Pour cela, il fallait
que j’aille à la Commune
de mon domicile pour déposer ma demande. Il y avait juste un "petit"
problème.
Not that fast….
"Berne, 18.04.2012 - Lors de sa séance de ce jour, le Conseil fédéral a
décidé d'activer, à l'égard des États de l'UE-8 , la clause de sauvegarde
prévue dans l'accord sur la libre circulation. Dès le 1er mai 2012, des
contingents seront réintroduits pour les autorisations de séjour de catégorie B
délivrées aux ressortissants de ces pays. Par ailleurs, le Conseil fédéral a
décidé d'examiner des mesures complémentaires dans les domaines des mesures
d’accompagnement et de l’intégration."
La clause de sauvegarde
Il faut tout d’abord savoir, que
mon pays d’origine, la Hongrie
fait partie des états de l’UE-8 (Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne,
Slovaquie, Slovénie et République tchèque).
Le 1er mai 2011, avec la
suppression des contingents, ces pays, alors le mien aussi, bénéficiaient de la
libre circulation pleine et entière. Par contre, la Suisse avait le droit d’introduire
unilatéralement des contingents pour ces pays jusqu’en 2014, si le nombre
d'autorisations de séjour ou d'autorisations de séjour de courte durée
délivrées à des travailleurs provenant des pays de l'UE/AELE dépasse d'au moins
10 % la moyenne annuelle des autorisations émises au cours des trois
années précédentes.
Comme le nombre d'autorisations
de séjour B délivrées entre mai 2011 et avril 2012 a rempli cette
condition pour les ressortissants des pays de l’UE-8, un contingentement à 2180
autorisations de permis B est entré en vigeur le 1er mai 2012. Ce
contingentement a été appliqué pendant une année, jusqu’au 30 avril 2013, et
les 2180 permis de séjour B ont été repartis trimestriellement.
So now what?
Bad news for me…A ce moment-là,
j’ai déjà tout projeté, j’avais une place de travail, je suis tombée amoureuse
de la Suisse ,
mais tout d’un coup ce n’était plus du tout sûr que je puisse rester. J’avais
deux options:
Option A: faire les démarches le
plus vite possible pour la demande du permis B, et ne pas perdre l’espoir, même
pas pour une seule seconde.
Option B: il n’existe que
l’option A. Il faut savoir que je peux être très tenace.
Je devais attendre presque 3
semaines avant d’obtenir la réponse à ma demande. Je n’oublierai jamais cette
période. Je lisais tout le temps des articles dans le sujet, j’étais
continuellement en contact avec la
Commune , on m’a dit de rester tranquille et d’attendre (you
know, don’t play with the sleeping lion), mais j’ai également écrit au Service
de la Population
de Lausanne pour me renseigner. Je faisais des calculs, j’ai même demandé
l’avis de l’expert David Talerman. A ce moment-là j’aimais déjà tellement la Suisse que je ne pouvais même
pas imaginer de ne pas pouvoir rester.
Bienvenue en Suisse
La dame à la Commune d’Orbe était très
gentille avec moi. Je lui ai demandé de m’appeller dès qu’elle a des nouvelles.
Un jour enfin, très tôt le matin, mon natel a sonné. Je ne l’oublierai jamais. Elle
m’a demandé en rigolant de venir à la Commune chercher mon permis B. J’y suis allée tout
de suite, je me souviens combien j’étais contente. Contente de pouvoir rester, de
pouvoir continuer à chercher ma voie, et de donner mon énergie à un pays que je
respecte tellement. J’ai pensé que c’était la fin heureuse d’une longue
histoire, mais je me suis trompée.
Bienvenue…or not?
A l’époque, je m’encourageais
tout le temps en me disant: tu n’as qu’à attendre jusqu’au 31 mai 2014, et
après de toute façon il y aura de la libre circulation. La Suisse avait la possibilité
de réintroduire des contingents encore une fois jusqu’au 31 mai 2014, ainsi dès
le 1er mai 2013 elle a décidé d’activer de nouveau la clause de sauvegarde mais
cette fois tous les pays de l’Union Européenne ont été soumis à des contingents.
Par contre, à partir du 31 mai 2014, la liberté totale de la circulation
s’appliquera à tous les ressortissants de tous les pays de l’UE et de l’AELE. En
tout cas, c’était le plan. Par contre, l’UDC avait un autre plan. Le 14 février
2012, le parti politique a déposé l’initiative populaire "contre
l’immigration de masse", visant à réintroduire des plafonds annuels à
l’immigration ainsi que de nouveaux contingents pour les autorisations de
séjour. Et cette fois, ils seraient beaucoup plus strictes. Déjà leur campagne
est assez forte je trouve. En tout cas, quand à 6h15 du matin, moitié endormie,
je veux prendre le train pour aller au boulot et je vois cette affiche, je me
réveille tout de suite…
Des limitations s’appliqueraient
à toutes les autorisations de séjour ou de travail, aux requérants d’asile, aux
frontaliers, et même aux étudiants. Plus de regroupement familial, plus d’aides
sociales accordées aux immigrés, ce serait l’avenir des étrangers en cas
d’acceptation de l’initiative. Le 20 juin 2013 elle a été rejetée par le
Conseil national, mais le 9 février, dans une semaine, lors d’une votation
populaire, c’est le peuple suisse qui pourra donner son opinion et qui mettra
le point final à l’affaire qui trouble les esprits depuis si longtemps.
Starting over
Oui, c’est juste, il y a de plus
en plus de gens qui quittent leurs pays et essaient de recommencer leur vie
ailleurs. Ils vont partout dans le monde. Et oui, ils viennent aussi en Suisse,
mais est-ce que la question se pose, pourquoi font-ils ainsi? Je trouve qu’il y
a quand même une grande partie de la population étrangère qui fait honnêtement
son travail. C’est des gens qui paient les impôts, qui ne commettent pas
d’infractions, qui ne sont pas là pour nuir à l’économie du pays, ni pour
piquer le travail des autres. Ils sont là juste pour la simple raison de
vouloir améliorer leur situation, de vouloir aller plus loin, de pouvoir
avancer dans leurs vies, ils aimeraint simplement avoir une vie normale qu’ils
n’avaient pas forcément eue dans leur pays d’origine. En Hongrie en tout cas,
ces temps, c’est notre réalité. Maintenant j’attends, je me réjouis de savoir
le résultat de la votation. A mon avis, à long terme, l’acceptation de
l’initiative de l’UDC ferait beaucoup plus de mal que de bien. Le but ne
devrait pas être de stopper l’immigration, mais de trouver des solutions pour
pouvoir vivre avec. Vivre avec nous...
Alors voilà mon histoire. C’est difficile de trouver notre place dans la vie, et surtout quand on
recommence tout dans un pays étranger, mais j’ai la conviction que si on le
veut vraiment, on peut trouver notre place, et ce même en Suisse. Ces temps, j’écoute
pas mal de Daft Punk. Il y a une chanson sur l’album Random Access Memories,
c’est ma préférée, et récemment, dans des périodes difficiles, c’est toujours
la parole de cette chanson qui me vient à l’esprit.
"I don’t know whether that
does you any good, but there’s something out there. "
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